La parenthèse du camp de Prisonniers

La parenthèse du camp de Prisonniers

Les camps de la Grande Guerre sont un véritable monde parallèle. Chez les captifs débarrassés, pour un temps qui semble devoir durer, de l’idée de la guerre et de l’image obsédante de la mort, se développe une intense activité, notamment musicale. Là, on retrouve tout le monde : musiciens de salons, de guinguette, de village, de l’armée, artistes plus ou moins professionnels ou complètement amateurs, de cabarets, caf’ conc’,  sociétés musicales ou coin de trottoirs… D’où viennent tous ces instruments, rarement bricolés, plus souvent sortis d’atelier de lutherie ? Envoyés par colis ? Sûrement pour une part. Achetés, prêtés sur place ? Probablement aussi (dans tous les camps…). Leur nombre, leur diversité, les mélanges qu’ils traduisent sont impressionnants.


Moment d’oubli passager de l’idée de la mort violente, dans les camps, la musique devient ciment du groupe, évasion suprême : la guerre n’existe plus, la vie professionnelle non plus. Deux choses à combattre : la « gamberge » » et les inévitables brimades. Déjà, dans les tranchées, les contextes étaient transposés, travestis, caricaturés et parodiés. Pratiquement « surréalistes », les camps sont des microcosmes de sociétés qui n’existent pas ni socialement, ni sociologiquement, ni linguistiquement. Rien ne manque cependant : boutiques, atelier de photographes, poste avec service colis et service courrier, bars, théâtres, salles de jeux.

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Un camp normal possède en général un orchestre international, un orchestre russe, un orchestre anglais ou écossais, un théâtre français, un théâtre anglais… sans parler, bien sûr, des ensembles spontanés, à caractère traditionnel (accordéons diatoniques et violons, percussions de fortune…) ou classique (quatuors, autres ensembles de chambre, plus ou moins académique)…
Parfois un musicien joue au sein de plusieurs formations, mais ce n’est même pas obligatoire. Compte tenu de leur nombre : à cette époque, la pratique amateur était extrêmement vivace, par le biais des orphéons, du service militaire, mais aussi simplement par la présence, bien difficile à imaginer aujourd’hui, de la musique dans tous les instants de la vie et dans tous les lieux.
La société des soldats en guerre n’est pas une vraie société. Elle doit s’astreindre à croire aux valeurs qu’elle se donne. Ce type de groupe orphelin existe aussi en temps de paix.
Le monde occidental est ainsi fait que le couple est une unité de base du fonctionnement social : une personne trop longtemps seule est une anomalie aux yeux de la collectivité. Le monde des soldats est un milieu presque uniquement masculin.

Même sans enfants, le couple est une cellule reconnue, classique, admise. A tel point que dans les moments de la vie communautaire, sa présence est renforcée. Ces instants de fête permettent de rassembler la famille et le groupe, en oubliant le poids du quotidien.  Dans un tel contexte, il est important d’associer à chaque garçon, une cavalière. La danse populaire, au moins jusqu’à une période récente, unit étroitement un homme et femme. Même dans les danses en chaîne, on alterne le plus possible filles et garçons.

Le théâtre, les chansons, les contes parlent d’amour, racontent et montrent des histoires où les sentiments d’un sexe pour l’autre, servent le plus souvent de moteur ou de retour à une certaine stabilité finale : « et ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… ».

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C’est dire le poids du couple, de sa notion, notamment dans ces occasions où justement la musique intervient. Ainsi au front, comme dans les camps de prisonniers, lors des moments de fête, vitaux pour l’équilibre et la santé morale du groupe, se pose le problème de remplacer la moitié manquante. D’abord en trichant, en trouvant des partenaires occasionnelles… (Pendant les permissions, dans les villages à l’arrière, etc…). Mais aussi et surtout en travestissant la réalité : laisser à penser aux autres comme à soi-même que tout est normal.

Certains hommes s’habillent en femmes et jouent ce rôle au bal, au théâtre, dans les revues ou dans les opérettes, apparemment sans ambiguïté. On ne dit pas qu’un tel est l’homme et tel autre est la femme, il n’y a pas de travestissement à part celui du bal lui-même. La paire n’est pas nécessairement sexuée, elle permet simplement de recréer un couple et évite les sous-entendus gênants. En outre, le fait de se passer de femmes, permet de se voir en surhomme capable de tout surmonter, seul, en vrai « bonhomme ». Car paradoxalement, ces milieux glorifient tout ce qui est mâle, ou du moins ce qui est censé l’attester : air viril, tabac, alcool, tatouages, langage pornographique, gauloiseries…

Le retour des prisonniers

(Paroles de Stima T Louis , sur l’air de « La marche du 17ème »)

Eloigné, en terre étrangère
Je suis là, prisonnier, je languis,
Dans mes rêves je vois tous mes frères
Qui luttent sans cesse pour l’honneur du pays
Pour moi c’est la plus grande souffrance
Je croirai bien que c’est l’plus grand malheur
De toujours vivre dans l’ignorance
Cela fait déborder mon cœur.Refrain
Quand on aura sonné
Le moment de la délivrance
Tous nos prisonniers
Qui ont connu tant de souffrances
Seront-ils contents
De revoir leur mère chérie
Leur femme et enfants
Nos défenseurs de la patrieSans cesse je vois ma mère chérie
Pleurant son enfant qui est prisonnier
On ne tient vraiment plus à la vie
Que c’est donc triste la captivité
Me demandant si pendant mon absence
On a eu soin de ma vieille maman
N’a-t-elle pas été privée d’assistance
Et connu misère et tourments
Espérons que cette maudite guerre
Finisse bientôt afin d’être libéré
Il vaut mieux vivre dans la misère
Et pouvoir dire « Vive la liberté »
Que les peuples suppriment les frontières
Pour ne plus faire de veuves ni d’orphelins
En se tendant la main, tout comme des frères
Dans l’intérêt du genre humainSalut, salut à vous,
Martyrs de la mère-patrie
Salut, vaillants pioupious
Salut, à votre chair meutrie
Salut, salut à vous
Fiers soldats mutilés qui passent
Immortels restés parmi nous
que nos enfants suivent vos traces

 

Depuis longtemps que dans l’Allemagne
Nos soldats étaient prisonniers
Tous songeaient à la terre natale
Ou se trouvait leurs êtres aimés
L’un son père et sa vieille mère
L’autre sa femme et ses enfants
Mais maintenant que finie la guerre
Le soldat revient en chantant
Fêtons le retour de nos braves
Qui ont subi ce long martyr
Et vous parents prenez courage
Pour le vôtre qui a pu rev’nir
Car là-bas sous l’empire germanique
Nos p’tits soldats ont tant souffert
Héros de la noble Belgique
Qu’il y sont morts dans cet enfetChants de la Délivrance – Hymne des prisonniers – Paroles de Grégorias, sur l’air de L’internationale