par Cécile Lensen
L’hôtel de ville de Visé est un des plus beaux, sinon le plus bel hôtel de ville de la province. A l’extrême pointe nord de la Wallonie, il se mire dans la Meuse, montrant une façade postérieure et un clocher bulbeux très caractéristique de l’architecture mosane de la « Renaissance » : les lignes, les proportions, l’inclinaison des toits se retrouvent dans les monuments comme la maison Curtius qui abrite à présent le Musée Grand Curtius.
C’est par la charte du 1er octobre 1574 que Gérard de Groesbeek, Prince-Evêque de Liège, accorda à la ville de Visé, l’autorisation d’édifier une « maison de ville » et aussi de déplacer le péron, si besoin en était. En 1580, les bourgmaîtres, Martin Lynar et Halen Donnea achètent un immeuble contigu à la maison de Sluse, afin de construire l’Hôtel de ville qui fut seulement achevé en 1612-1613. L’Hôtel de Ville de Visé comportait alors, deux étages, un toit à quatre pans surmonté d’un clocher bulbeux, de larges corniches. Les bourgmaîtres firent placer une cloche, portant mention : « S. Martine ora pro nobis 1612 – De temps de Honorable Frambach de la Haie et de Denis de Maret bourgmestres de la ville de Visé – P.H. Emont me fecit ».
Au dessus du portique d’entrée figurent également les armoiries des deux bourgmaîtres-régents de l’époque – Denis de Maret et Frambach de la Haie. C’est seulement à cette date que le péron fut placé devant l’édifice communal où il resta jusqu’en juin 1709, transféré au tochet (sommet de la rue du Perron), il disparut à la révolution de 1789.
Deux ans plus tard, l’unique cloche fut rejointe par 14 autres, formant ainsi le premier carillon de l’hôtel de ville. Ce carillon aura été mainte fois réparé et bichonné par les Visétois, on retrouve des traces de ces réparations en 1699 par l’horloger Guillaume Lescrenier, ensuite en 1721 par Jacques Mathieu, maître-horloger.
Ce long fleuve tranquille sera violemment interrompu le 15 août 1914, la ville est mise à feu et à sang par l’armée allemande. Les cloches disparaissent dans l’incendie du clocher bulbeux. Il ne restera que quelques vestiges qui sont actuellement présentés au musée de Visé.
La reconstruction de Visé débutera dès 1918, un long et immense ouvrage : des centaines de maisons à reconstruire, et l’hôtel de ville n’est pas prioritaire. En 1922, les murs porteurs s’écroulent. Les travaux seront d’autant plus coûteux car tout est à refaire. Après une demande de subside conséquente, la reconstruction de l’hôtel de ville démarre avec la pose de la première pierre le jeudi 25 octobre 1923. C’est l’architecte Paul Jaspar, un liégeois qui est chargé de la délicate tâche de rendre son visage à l’édifice.
Paul Jaspar a tenu à reproduire exactement le style de l’édifice primitif en réemployant tous les matériaux et en respectant les moindres détails architecturaux. Il comporte néanmoins un troisième étage et une aile qui n’existaient pas auparavant. Paul Jaspar a tenu à donner plus de valeur au monument en en dégageant sa face latérale, par une éclaircie vers la Meuse, l’île Robinson et Devant-le-Pont (la Place de l’Hôtel de Ville). A noter l’importance des corniches dans la perspective générale du quadrilatère principal.
A l’intérieur, le même souci de respecter le passé se traduit dans la sobriété de la décoration et dans l’emploi des matériaux… : les escaliers aux marches d’une seule pièce en pierre bleue ; en pierre bleue d’un seul bloc, les paliers; les fers forgés des portes, des fenêtres et des volets, leurs fermetures, leurs charnières, les parquets, les plafonds ! Une mention toute spéciale pour la salle des mariages et sa splendide cheminée Renaissance en chêne.
Le 13 juin 1926, et ce pour la première fois depuis 14-18, le drapeau tricolore flotte sur l’hôtel de ville reconstruit. Cependant, le personnel ne reviendra qu’en mai 1930. Et ce n’est que le 28 décembre suivant, que le conseil décidera du rétablissement d’un carillon de 18 cloches qui sera en place le 14 janvier 1932.
En 1940, les cloches du carillon auraient été emmenées pour être fondues en Allemagne. Certaines seraient revenues tardivement, portant encore leur numéro d’inventaire allemand. Pendant plus de 15 ans, la ville de Visé n’entendra plus le son de son carillon.
Ce n’est qu’en 1958, l’année de Visé, Ville Européenne que les cloches retrouvent leur emplacement d’origine – le carillon a été refait par la Société Michiels Electro, à la date du 18 octobre 1957. Des chansons en wallons, écrites par l’auteur visétoise aujourd’hui décédée, Marcelle Martin prouvent en tout les cas que l’événement fut important aux yeux des Visétois même si il ne semble pas avoir eu de festivités.
Au départ, le carillon jouait à l’heure l’air « Vers l’avenir » d’Auguste Gevaert : mais à chaque fois, la ville de Visé devait payer 130fb à la S.A.B.A.M., le conseil décida donc de changer celui-ci par l’air de Grétry « Où peut-on être mieux ». Le carillon a quant à lui été électrifié le 22/11/1959. Le clavier est définitivement retiré en 1972 et l’horloge sur lequel il fonctionne a été changée une dernière fois en 1973.
A l’heure actuelle, le carillon joue les airs suivants :
- Au quart d’heure : La musique du tir des Arbalétriers
- A la demi-heure : Valeureux Liégeois, l’hymne de la révolution liégeoise du Curé Ramoux
- Au trois quart d’heure : La musique du tir des Arquebusiers
- A l’heure : « Où peut-on être mieux » de Gretry
Le nombre de sons de cloche à la demi-heure est toujours en avance. Exemple pour 6 heure et demi : 7 coups (comme en néerlandais 6 heure et demi se dit half zeven).