Le charbonnage de Cheratte

A LA POINTE DU PROGRÈS


Avec les Saroléa déjà, dans la première moitié du XIXe siècle, Cheratte possédait l’équipement le plus moderne : pompes à feu pour l’exhaure et machines à vapeur pour l’extraction. Les Saroléa furent les premiers, avec les Orban à Bonne-Fin, à utiliser dans la mine des wagonnets sur rails tirés par des chevaux.
Fidèles à cette tradition, les charbonnages du Hasard, à Cheratte comme à Micheroux, font preuve d’un souci constant d’adaptation aux techniques les plus nouvelles :
° Le puits n°1, construit en 1907, est le premier en Belgique dont la machine d’extraction est placée au sommet de la tour, ce qui permet des économies d’énergie. La machine d’extraction était actionnée par deux moteurs à courant continu d’une puissance de 135 kw chacun. Ces derniers étaient alimentés par des câbles de 8,5 km de long, provenant du charbonnage de Micheroux.
° Les puits étaient pourvus de décagement automatique, avec balances hydrauliques. Ils étaient également équipés d’évite-molettes hydrauliques.
° Aux nouveaux lavoirs, peu avant 1930, on procédait à l’abattage des poussières par aspiration, humidification et filtration à travers des panneaux garnis de copeaux de cuivre.
° Port privé : le port de Cheratte, mis en service en 1925, avait 400 m de murs de quais. Les grues électriques possédaient chacune 4 moteurs d’une puissance de 150 chevaux, un rayon d’action de 18,50 m et soulevaient 5 tonnes.
° Clarification des eaux du lavoir à charbon, d’après un procédé mis au point par l’ingénieur R. A. Henry. La quantité traitée était de 150 m³ à l’heure et on pouvait « constater la parfaite limpidité du liquide renvoyé à la rivière ».

 

QUELQUES CHIFFRES

En 1905, lors du rachat de Cheratte par la S.A. Des Charbonnages du Hasard à Micheroux :
° Superficie : 881 ha (sous les territoires des communes de Cheratte, Wandre, Saive, Housse, Saint-Remy et Trembleur).
° Extraction possible : plus de 1 000 t/jour.
° Gisement (très important) : 24 couches de charbon 1/4 gras et maigre. Or, c’est l’époque où l’on commence à avoir besoin de ce type de charbon pour poêles à feu continu, moteurs à gaz pauvre, ainsi que pour les chemins de fer et la marine.
 

INSTALLATIONS DE SURFACE DU CHARBONNAGE

Le siège de Cheratte s’étend de part et d’autre de la route de Liège à Visé.
A l’est, entre cet axe et la colline abrupte de Cheratte.
° Le puits n°1 est surmonté d’une tour carrée en briques et calcaire de plus de 30 m de haut et de 12 m de côté, de style néo-médiéval. Construit en 1907, il descendait à 170 m et a servi de puits d’extraction jusqu’en 1954. A partir de cette date, il est devenu puits de manœuvres et d’aérage. 
Au sommet de la tour, des ventilateurs aspiraient l’air et le rejetaient à l’extérieur.
Le puits a déjà été comblé, mais on va prochainement procéder à une recharge et au scellage de la dalle « mortuaire ». La machine d’extraction est encore en place avec un appareillage très intéressant.
° La tour du puits n°II datant de 1923-1924, est d’architecture plus « fonctionnelle », avec charpente métallique et remplissage de surfaces vitrées de briques et de calcaire. Puits d’extraction également, il atteignait 313 m. Il a été fermé lors de la mise en service du puits n°III.
° Les puits n° I et n°II fonctionnaient en même temps qu’une galerie creusée en arc de cercle dans la colline et comportant trois entrées une en face de chaque puits et une au-delà du n°II au nord. Le circuit se faisait du nord au sud : des wagonnets vides, tirés à l’origine par des chevaux, puis par des locomotives, pénétraient dans la galerie et étaient amenés à l’arrière des puits n°II ou n°I, pour être descendus dans le fond. Le charbon extrait était remonté par ces mêmes puits et sortait par l’avant pour rejoindre la passerelle qui allait les conduire au triage-lavoir de l’autre côté de la route.
A partir de cette galerie et perpendiculairement à celle-ci, un autre boyau servant au transport du matériel et à la circulation des ouvriers, s’enfonçait en pente douce dans la colline. Il atteignait le niveau – 170 m au bout de 6 ou 7 km. De nombreuses ramifications de chantiers venaient s’y greffer. L’ensemble est encore en place.
° Les vestiaires–bains–douches consistant en un bâtiment de trois étages, garni de faïence blanche, comme dans tous les sièges du Hasard. Construits en même temps que le puits n°II. Ils furent réaménagés et modernisés depuis. Avec le bâtiment des compresseurs – datant de 1910 et comprenant quatre unités – ils forment de part et d’autre du puits n° I et avec celui-ci un bel ensemble s’inspirant de l’architecture civile du Moyen Age.
° En face, l’aise, pièce où les ouvriers se réunissaient avant la descente et recevaient les ordres de leur chef-porion, et la lampisterie, dont la façade est à rue.
Datant de 1923-24, tout comme le puits n° II, elles sont d’architecture plus fonctionnelle.
° Toutes ces installations étaient aménagées sur un talus, à 6 m au-dessus de la route. De ce talus partait une passerelle qui traversait la route et conduisait au triage-lavoir, dans la partie ouest du charbonnage. Celle que nous voyons actuellement est probablement contemporaine du puits n° III.
° Entre la route et la colline, plus au nord, se trouvent encore les magasins, forge et ateliers de 1924, ainsi que le puits n° III.
° Le puits n° III : Lors de sa construction en 1938,on ne descendait qu’à qu’à  -313 m. On prévit donc une machine d’extraction au sommet de la tour en béton. Mais le puits ne fut pas opérationnel avant 1953. A ce moment, on voulut atteindre le niveau -480 m et une machine d’extraction au sommet n’était plus suffisamment puissante. On dut recourir alors à la solution classique de la machine d’extraction au sol, garnir le puits de molettes et de poussoirs en béton. Dès ce moment, le puits n° III devint le puits d’extraction, celle-ci étant complètement mécanisée ; le puits n° I devint puits d’aérage et de manœuvres le le puits n° II fut condamné.
Devant le puits n° III, on aménagea une plate-forme en béton, 6 m au-dessus de la route, pour rattraper le niveau du talus où étaient implantées les autres installations. La plate-forme était couverte d’un toit et le sol en pente douce, pour que les berlines puissent circuler par gravité. Sur la dalle subsiste encore la petite cabine d’où étaient dirigés les aiguillages et les freins ; tout ceci fonctionnait à l’air comprimé.

 

A L’OUEST

° Dans l’autre partie du charbonnage, le long de la route en en face de la lampisterie, se trouvent les bureaux, récemment installés dans l’ancien bâtiment de l’Institut Saint-Dominique, racheté par le charbonnage en 1957-58. Une petite infirmerie y a été ajoutée en annexe. Derrière eux, une sous-station électrique.
° Au bout de la passerelle, le triage-lavoir, reconstruit en 1960. là se déroulent les opérations de triage et de lavage, et la fabrication d’agglomérés, à partir de « fines » (poussières de charbons) et de schlamms agglutinés à l’aide de « brai » et qui se présentent sous forme de briquettes ou de boulets ovoïdes.
Devant le triage-lavoir, différentes installations pour le traitement des schlamms : des silos de décantation, un épaississeur à schlamms (où l’on ajoute un floculent aux eaux boueuses pour coller ensemble les grains de charbon et les entraîner vers le fond) et une essoreuse centrifugeuse. Il faut noter qu’il y avait 30%de schlamms à Cheratte. Auparavant, on avait utilisé, jusqu’en 1961, une tour de séchage, qui se trouve encore le long du port privé.
° Au sud de cet ensemble s’étend la paire à bois et à matériel, jonchée maintenant de wagonnets et de débris d’étançonnage.
° Le chemin de fer de l’Etat traverse le siège, parallèlement à la route Liège-Visé, entre le triage-lavoir et la cité ouvrière.
De l’arrière du triage-lavoir partait une petite passerelle qui enjambait la ligne de chemin de fer de l’état, rejoignait une petite tour à schistes puis, après un coude, le bâtiment de la vente au comptant, gros cube de béton réalisé à la même époque. Bureaux et bascules ont déjà été démolis.

LE CHÂTEAU

 La Société des Charbonnages du Hasard entama en 1913 des négociations pour l’achat du château de la famille Saroléa, premiers exploitants des houillères.

 Le château date du milieu du XVIIe siècle. Il fut partiellement détruit pendant la guerre 14-18 et restauré en 1921. Le charbonnage installa, dans l’une des ailes, l’hôpital principal – infirmerie, qui était équipé d’un laboratoire de biologie, d’installations de radiographie, de salles d’héliothérapie, etc. Le château était aussi habité par le directeur du siège.

 

LA CITE OUVRIERE : CITE-JARDIN

 La cité-jardin de Cheratte fut construite par la Société Anonyme des Charbonnages du Hasard en 1925. On réalisa un ensemble de 200 maisons, disposées en petits groupes.

 Les routes furent bordées d’arbres, et leur tracé évite tout modèle géométrique trop rigoureux. Elles étaient « goudrogénitées, avec égouts, distribution d’eau et éclairage public ».

 Les maisons, telles qu’elles se présentent aujourd’hui, sont en briques, souvent recouvertes d’un cimentage jaune et de faux colombages bruns, rouges, bleus ou verts. Les portes et les boiseries des fenêtres sont de la même couleur.

Constituées à l’origine de six pièces, les maisons étaient pourvues de l’électricité et d’un raccordement à l’égout.

 Elles avaient à l’arrière un « jardin à légumes », et en façade un « jardin à fleurs ». Des concours étaient organisés annuellement, et des prix attribués aux jardins les mieux réussis.

Un agronome de l’Etat venait périodiquement donner des cours d’horticulture et de floriculture. D’autres coins de terre étaient encore à la disposition des ouvriers.

 Voici ce qu’en pensait la direction : « Entre les hommes qui utilisent leurs loisirs à faire croître des plantes décoratives ou des légumes, une émulation s’est créée : ils aiment le jardin qui est leur oeuvre, ils en retirent plaisir et profit et se sont habitués eux et leurs enfants, à respecter les arbres, les haies, les plantes et les routes ».

 

EN GUISE DE CONCLUSION…

 La cité ouvrière de Cheratte appartient maintenant à la « Société régionale visétoise d’habitation sociale » par laquelle elle est restaurée. C’est une réalisation d’un intérêt social et architectural remarquable dont on ne peut que souhaiter la conservation. L’avenir du château, quant à lui, semble assuré.